Den franska kända tidningen Le Figaro 25-06-09 rapporterar om hur islamistforskare är utsatta för smutskastning och hatkampanjer. I Sverige nämns forskaren Sameh Egyptson och Magnus Norell.
En kort översättning till svenska. Hela artikeln finns på franska och engelska nedan.
"En svensk akademiker av egyptiskt ursprung, Sameh Egyptson, pekas ut för att ha "spridit konspirationsteorier om en påstådd islamisering av Sverige av Muslimska brödraskapet". För sin del listas även en tysk forskare, Susanne Schröter, antropolog och föreläsare vid Goethe-universitetet i Frankfurt, anklagad bland annat för att ha arbetat med "antimuslimska personer och organisationer"...
Tack Magnus för översättning till engelska.

«On ne peut plus travailler, sauf à prendre des risques» : ces chercheurs pris pour cible par les islamistes
Le Figaro
Jean Chichizola
9 June 2025
ENQUÊTE - Dénigrement professionnel, harcèlement moral, menaces physiques… Le phénomène concerne des universitaires français et étrangers.
Serait-il devenu banal, dans la France de 2025, qu’un chercheur travaillant sur l’islamisme soit dénigré, harcelé, menacé et placé sous protection policière ? Le débat soulevé par le rapport « Frères musulmans et islamisme politique en France » est l’occasion de rappeler que c’est le cas depuis plus de deux ans de Florence Bergeaud-Blackler, docteur en anthropologie, chargée de recherche au CNRS et présidente du Centre européen de recherche et d’information sur le frérisme.
La raison en est connue : la publication en 2023 de son livre Le Frérisme et ses réseaux, l’enquête (Odile Jacob) visant les Frères musulmans. La réalité de cette menace, que certains nient ou relativisent depuis des décennies, est avérée. On sait depuis l’affaire Rushdie en 1989 que l’islamisme condamne à mort des écrivains. Et, depuis plus de trente ans, des tueurs, visant des cibles désignées, ont décapité des enseignants, égorgé des intellectuels, abattu des journalistes ou des caricaturistes de Kaboul à Alger. Mais aussi à Chautauqua, Éragny-sur-Oise ou Paris.
Le cas Bergeaud-Blacker n’est pas une exception. Procès à répétition, descentes musclées pendant leurs cours, insultes… En France et à l’étranger, d’autres experts de l’islamisme ou des Frères musulmans en particulier, sont confrontés à ce même mélange de dénigrement et de menaces. Une double accusation revient toujours : leur travail est de mauvaise qualité, leurs thèses sont complotistes, racistes et islamophobes. Un procédé utilisé de longue date par les totalitarismes détenteurs d’une vérité sacrée. Un critique du Parti communiste chinois est aujourd’hui forcément sinophobe comme hier les opposants au PCUS haïssaient le peuple soviétique.
Harcèlement hybride
Ce harcèlement hybride n’a donc rien à voir avec le débat académique sur le fond, nécessaire et féroce comme en toute matière avec le choc des ego, des caractères, des évaluations scientifiques, des intérêts. Il s’agit d’une entreprise de démolition d’autant plus essentielle pour ses artisans que le constat sur les Frères musulmans est bien établi en France et dans le monde.
Commençons par la France avec le rapport « Frères musulmans » dont les auteurs, pour se préserver de tout harcèlement, sont restés discrets. Le document estime qu’un « risque frériste existe bel et bien » avec « le danger d’un islamisme municipal » (page 6), que « le développement d’écosystèmes islamistes sur le territoire national et l’importance croissante des influenceurs (« prédicateurs 2.0 ») constituent une menace pour la cohésion nationale » (page 7) et que « le projet des Frères musulmans s’articule autour de la création d’un État islamique et (de) l’application par voie de conséquence de la charia ».
Cette mouvance frériste est surveillée depuis longtemps. En 2003, Le Figaro révélait une enquête sur les liens entre le Hamas et le Comité de bienfaisance et de secours aux Palestiniens (CBSP), proche de l’Union des organisations islamiques en France (UOIF), « identifiée comme la branche nationale des Frères musulmans » dixit le récent rapport.
Toujours en 2003, le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF, « par certains aspects, l’héritier d’une composante militante et revendicative de l’UOIF »), multipliait les procès contre les « islamophobes » dans l’indifférence générale. Ce qui n’a pas empêché l’UOIF d’entrer cette année-là au CFCM, y gagnant en visibilité et en respectabilité, avec l’accord tacite des autorités et du ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy. Vingt et un ans plus tard, le CCIF a été dissous (en 2020 avant de renaître à Bruxelles) et Humani’Terre, héritière du CBSP, est visée par une enquête sur ses liens avec le Hamas…
Frérisme : un constat largement partagé
Les experts sollicités par le ministère de l’Intérieur (un préfet et un diplomate) ou la justice seraient-ils islamophobes, un concept au demeurant forgé par la mouvance frériste ? Le renseignement français, très vigilant sur d’autres extrémistes (ultradroite, ultragauche…), partage leur analyse. En 2019, pour la responsable de l’époque du renseignement territorial (RT) « le but (des Frères musulmans est) d’infiltrer la société et de faire un jour que le pays dans lequel ils se trouvent soit régi par la loi de Dieu ». En 2024, dans Le Figaro, l’actuel patron du RT, Bertrand Chamoulaud, précise : « Tout en criant à l’islamophobie pour se victimiser, (les fréristes) ont une stratégie insidieuse de prise de contrôle de la société. » Il estime à « environ 100.000 » le nombre de sympathisants « contre 55.000 recensés en décembre 2019 ». En 2004, le renseignement parlait de 5000 islamistes, plutôt de tendance salafiste…
Le risque frériste est aussi noté par les autres services européens. En Belgique (le but des fréristes est « l’entrisme », « l’islamisation progressive de la société européenne », ils « tentent de se profiler comme la voix des musulmans et leur porte-parole auprès des autorités »), en Autriche (« système totalitaire »), en Allemagne, (ils « visent un changement à long terme par l’instauration de la charia via une pénétration dans la société allemande »), aux Pays-Bas (ils « essaient de réislamiser la société »). Au Royaume-Uni, un rapport de 2015 souligne les risques pour « la sécurité et les intérêts nationaux »…
Dans d’autres pays, des activistes se dévoilent tous seuls. En Suède où l’un d’eux lâche : « Nous ne voulons pas attirer l’attention sur le fait que nous islamisons l’Occident. » Ou depuis la Suisse avec Hani Ramadan. Dans Le Monde, il écrit en 2002 que la charia est « incomprise », la lapidation « une forme de purification » et parle de « la sensibilité des partisans invétérés des Lumières ». En 2011, il dit que « la liberté est du côté des Frères musulmans ».
Campagne organisée pour le voile à l’école
Hani Ramadan serait-il « incompris » et le renseignement européen complotiste ? En janvier 2025, l’historien Patrick Weil, très critique envers Bruno Retailleau et le gouvernement, évoquait sa participation à la commission qui aboutit à la loi de 2004 sur le voile à l’école, bête noire des fréristes. « Il y avait, dit-il, une organisation des pressions lycée après lycée ». Et de rappeler qu’un repenti a reconnu « que (les Frères) ont organisé une campagne pour faire pression sur les filles (non voilées) ».
Patrick Weil se souvient aussi qu’invité à Bruxelles en 2004 à une réunion sur le Proche-Orient, la quasi-totalité de ses collègues étrangers dénonçaient une attaque française contre la liberté religieuse. L’historien ajoute : « Un seul (le représentant de l’OLP) a dit : “Les Français ont raison”. » Et le Palestinien de préciser : « On s’est bien fait avoir par le Hamas car, financé par je ne sais qui, ils ont payé des bourses à des jeunes filles dans les universités pour qu’elles portent le voile… »
Face à ce consensus, rien d’étonnant donc à ce qu’on analyse la stratégie des Frères musulmans et des fréristes. Malheur pourtant aux universitaires qui s’y aventurent. Jusqu’alors chercheuse discrète, versée dans l’étude des normativités islamiques en contexte séculier et du marché halal, l’anthropologue Bergeaud-Blackler détaille en janvier 2023 le système frériste dans son ouvrage publié dans une prestigieuse maison d’édition.
Quelques semaines plus tard, elle est placée sous protection policière car menacée de mort par des individus dangereux dont des islamistes. L’un d’eux a été condamné à quinze mois de prison ferme. Il avait déjà sept condamnations, notamment pour violence aggravée et menace de mort, et évoquait la possession d’armes à feu. Le tribunal a souligné que la chercheuse travaillait « sur des sujets sensibles »…
Comparaison avec Édouard Drumont…
En 2023 toujours, un avocat connu, Rafik Chekatt, fondateur du collectif « Agir contre l’islamophobie » et de la plateforme en ligne « Islamophobia », compare l’universitaire et son livre à… l’antisémite Édouard Drumont et à son brûlot La France juive. Défendue par Thibault de Montbrial et Lara Fatimi, Florence Bergeaud-Blackler a porté plainte pour diffamation.
Dans le même temps, grand pourfendeur de « l’islamophobie » et ancien directeur de recherches au CNRS, François Burgat multiplie les attaques violentes contre la chercheuse.
Pour sa part, le CFCM publie en janvier 2025 un communiqué de presse intitulé « Chercheuse rigoureuse ou activiste complotiste des réseaux sociaux ? ». Peut-être échaudé par les poursuites qu’il avait engagées contre Charlie Hebdo, le Conseil précise qu’il « respecte la liberté d’expression (de l’universitaire) et condamne fermement toute forme de menace ou d’intimidation dont elle a pu ou peut faire l’objet »…
Polarisation identitaire
Un mois plus tard, à l’université de Lille, un syndicat étudiant d’extrême gauche obtient l’annulation d’une prise de parole de la chercheuse sur « le frérisme et ses réseaux ». Le syndicat évoque la lutte contre « le retour de la peste brune », l’invitation provenant d’un syndicat d’extrême droite. Mais il dénonce surtout « les conférences racistes à l’université ». Évoquer « le frérisme et ses réseaux » dans la France de 2025 serait donc faire preuve de racisme…
Pour un expert, « Florence Bergeaud-Blacker a mis les pieds dans le plat et a pris toutes les balles ». Mais elle est loin d’être une exception. Les mêmes méthodes s’appliquent à des degrés divers à d’autres universitaires en France et à l’étranger.
Le cas le plus emblématique est celui de Gilles Kepel. D’abord parce que l’auteur du Bouleversement du monde. L’après le 7 Octobre (Plon, 2024), où il évoque une « polarisation identitaire inédite » entre wokisme d’extrême gauche et populisme d’extrême droite, est l’orientalisant français le plus connu à l’étranger. Ensuite parce que, dès les années 1980, à une époque où la question était ignorée, niée ou relativisée, il a documenté la progression de l’islamisme et le rôle des Frères musulmans dans le monde arabe et en Europe. Ce qui lui a valu le « traitement » habituel, faisant de lui un chercheur « controversé ».
Et même un peu plus car, de 2016 à 2018, il a été placé sous protection policière après avoir été condamné à mort par Rachid Kassim. Ce djihadiste français n’avait pas lu une ligne de ses livres mais fut guidé par l’hostilité des islamistes à l’égard du scientifique. L’épisode montre qu’en cette matière, le spectre de la violence physique n’est jamais absent. Et que ce spectre isole de facto. En 2022, Gilles Kepel constatait : « Je n’ai pas eu le tympan déchiré par les hurlements de douleur de mes collègues, ni par leurs cris de protestation ! »
« Entraver le chercheur »
Autre cible : le professeur des universités Bernard Rougier, qui n’a pas connu de problèmes quand il travaillait sur le djihadisme en Égypte, au Liban ou en Syrie. En 2020, il dirige au PUF l’ouvrage collectif Les Territoires conquis de l’islamisme sur l’ancrage local de réseaux islamistes en France. Il devient un « identitaire » visé par certains de ses pairs mais surtout par cinq procédures en diffamation. Les plaignants ? Une mosquée, une militante « décolonialiste », un élu local ou encore un fiché S pour islamisme.
Un plaignant cherche à obtenir le nom de l’étudiant anonyme qui a enquêté sur lui… Bernard Rougier n’a pas été condamné et, dans un des jugements de relaxe, le tribunal a noté, concernant les importants dommages et intérêts réclamés par un plaignant, qu’ils étaient « de nature, par la crainte qu’elles ont vocation à inspirer, à entraver (le chercheur), universitaire reconnu, dans ses recherches et sa liberté d’expression ». La manipulation est en effet des plus claires : nourries par les attaques universitaires, les plaintes exposent et fragilisent leurs cibles tout en cherchant à les intimider et à les empêcher de poursuivre leurs recherches.
L’intimidation peut aussi être physique. Dernier exemple en date : la descente de militants pendant le cours du géographe Fabrice Balanche, spécialiste reconnu de la Syrie et auteur de l’ouvrage Les Leçons de la crise syrienne (Odile Jacob, 2024). Le 12 mars 2025, après avoir évoqué publiquement l’islamisme et notamment l’action des fréristes, des étudiants l’avaient signalé pour « islamophobie » à son université de Lyon 2.
Quelques jours plus tard, le chercheur dénonce un « blocus islamiste » par des étudiants empêchés d’organiser une soirée de rupture du jeûne dans une salle de l’université. Ce qui lui vaut le 1er avril l’interruption de son cours, portant ce jour-là sur le voisinage de l’Union européenne, par des étudiants dénonçant un « raciste, sioniste, terroriste et génocidaire »… Une attaque sans précédent à laquelle la présidence répond en critiquant son professeur. Fabrice Balanche constate qu’aujourd’hui « on ne peut plus travailler sur ces questions sauf à prendre des risques ».
Avant de clore cette liste, loin d’être exhaustive, il convient de rappeler aussi la figure non d’un chercheur mais d’un écrivain, Boualem Sansal, qui lui aussi a pris des risques en évoquant l’islamisme et ses dangers. Ce qui lui a valu des menaces à foison en France et ce qui n’est probablement pas pour rien dans son emprisonnement en Algérie depuis le 16 novembre 2024.
Un fichier des « islamophobes »
Ces spécialistes français seraient-ils aveuglés par une « islamophobie post-coloniale » ? Les mêmes procédés s’appliquent en fait à des universitaires européens ou américains. Ainsi du préfacier de la traduction danoise de l’ouvrage de Florence Bergeaud-Blackler. Thomas Hoffmann, docteur et professeur de théologie islamique à l’université de Copenhague, qui a été visé par plusieurs articles d’un site web proche d’une association islamique. Le chercheur serait un « ignorant » voulant « manipuler les lecteurs » et publiant « souvent des erreurs factuelles sur l’islam »… À cette occasion, la Dansk Magisterforening, organisation professionnelle universitaire, relève que, depuis une dizaine d’années, plusieurs chercheurs ont dénoncé un tel harcèlement pour « islamophobie » et que le problème ne se limitait pas au Danemark.
Très opportunément, le site islamique visant Hoffmann publie sa fiche « d’islamophobe » dressée par l’université américaine de Georgetown. Cette institution, qui a reçu des financements du Golfe (Arabie saoudite, Qatar…), a en effet trois « projets sur l’islamophobie ». Sur le site de cette université, les Frères musulmans sont ainsi définis : « une organisation fondée en Égypte en 1928 par Hassan al-Banna pour revitaliser la vie islamique et défier l’hégémonie européenne ». L’un des projets « Islamophobie » dresse notamment des fiches d’individus, avec photo et éléments biographiques, ou d’organisations. On y trouve pêle-mêle des groupes néonazis, Donald Trump et Emmanuel Macron, Marlène Schiappa et Jordan Bardella… Et aussi une série d’universitaires qui travaillent sur l’islamisme.
Thomas Hoffmann est donc cité dans ce pilori numérique. Mais il n’est pas le seul. Un universitaire suédois d’origine égyptienne, Sameh Egyptson, est notamment épinglé pour « diffuser des théories du complot sur une prétendue islamisation de la Suède par les Frères musulmans ». Pour sa part, une chercheuse allemande, Susanne Schröter, anthropologue et enseignante à l’Université Goethe de Francfort, est également fichée, accusée notamment de travailler avec « des personnalités et des organisations antimusulmanes »…
«C’est leur méthode »
Autre cible de ce « fichier des islamophobes », l’Italo-Américain Lorenzo Vidino, directeur du programme sur l’extrémisme à la George Washington University. Sans surprise, il est affirmé que ses « recherches promeuvent des théories du complot sur les Frères musulmans en Europe et aux États-Unis » et qu’il est « lié » à de nombreux groupes et médias « anti-musulmans ». Lorenzo Vidino note « qu’il y a peu d’experts qui travaillent sur les Frères musulmans dans les pays occidentaux. Parce que les gens veulent bien travailler sur le djihadisme mais qu’ils ont peur de faire de même sur les Frères musulmans, peur d’être sali, peur des procès etc. ». « Travailler sur ce sujet, souligne-t-il, c’est s’exposer, c’est leur méthode. Si vous travaillez sur les Hells Angels, vous pouvez prendre un coup… »
Sa vision « américaine » est intéressante : lui qui travaille sur le sujet depuis des décennies décrit des Frères musulmans mieux organisés, soutenus par d’importants cabinets d’avocats et médias, ayant infiltré le monde universitaire. Pris à partie notamment sur ses liens académiques avec une institution aux Émirats arabes unis, hostiles à la Confrérie, il souligne que ce centre de recherches est lié au Global Counterterrorism Forum, créé par l’UE et 29 pays dont la France, les États-Unis, la Turquie et le Qatar. Les attaques ou le « fichage » par la Georgetown University dont il fait l’objet ont à ses yeux pour but de faire peur et de susciter une autocensure notamment chez les jeunes étudiants attirés par la matière.
Pour sa part, le diplomate britannique John Jenkins, qui pilota le rapport de 2015 sur les Frères musulmans, est lui aussi régulièrement taxé « d’islamophobie » par la mouvance frériste, « the usual suspects » lâche-t-il. Tout en notant « qu’il est peut-être trop tard », il dit espérer que les partis et les gouvernements « comprennent la véritable nature de l’islamisme et des islamistes » et estime urgent, car le débat fait actuellement rage au Royaume-Uni, que l’on refuse de donner « une force légale ou quasi légale au concept fallacieux « d’islamophobie » ».
Des problèmes et inquiétudes partagés par de nombreux autres spécialistes. Comme le Suédois Magnus Norell, auteur en 2018 de Return of the Caliphate : reasons and consequences et chercheur au Washington Institute for Near East Policy et à la Fondation européenne pour la démocratie. Pour lui, « il est devenu de plus en plus difficile de suivre et de faire des recherches sur ces questions » en raison des « pressions, des menaces et de la réticence des autorités et des médias ».
L’Espagnol Sergio Altuna, chercheur à la George Washington University, a connu des « situations inconfortables » (diffamation et menaces sur les réseaux sociaux) et évoque un souci constant d’évaluer « les problèmes qu’un sujet particulier pourrait causer à l’auteur »… Le consultant britannique Damon Lee Perry, remarque de son côté « une internationalisation du débat par les islamistes pour contrôler le récit, et donc la pensée, sur l’islam et l’islamisme dans l’espace public ». Et, comme John Jenkins, il met en garde contre une définition légale de l’islamophobie au Royaume-Uni, « qui paralyserait effectivement notre capacité à être critique de l’islam et de l’islamisme ».
La solution à ce harcèlement touchant tant d’universitaires ? Pour l’Allemand Andreas Jacobs, de la fondation Konrad-Adenauer, elle doit s’appuyer sur « plus de publicité, de sensibilisation et de recherches universitaires indépendantes sur les acteurs et les réseaux islamistes », « davantage de financements de recherches sur le sujet et la création de chaires académiques dédiées aux “études islamistes” ». À condition que tous les chercheurs puissent travailler sans entraves.
‘We can no longer work, except by taking risks’: the researchers targeted by Islamists
Le Figaro
Jean Chichizola
9 June 2025
INVESTIGATION – Professional defamation, psychological harassment, physical threats… The phenomenon affects both French and foreign academics.
Has it become normal, in 2025 France, for a researcher working on Islamism to be defamed, harassed, threatened, and placed under police protection? The debate raised by the report ‘Muslim Brotherhood and Political Islamism in France’ is an opportunity to recall that this has been the case for over two years for Florence Bergeaud-Blackler, a doctor in anthropology, research fellow at the CNRS, and president of the European Centre for Research and Information on Brotherhoodism.
The reason is well known: the 2023 publication of her book Brotherhoodism and its Networks, the Investigation (Odile Jacob), targeting the Muslim Brotherhood. The reality of this threat, which some have denied or downplayed for decades, is well established. Since the Rushdie affair in 1989, it has been known that Islamism condemns writers to death. And for over thirty years, killers targeting designated individuals have decapitated teachers, slit the throats of intellectuals, gunned down journalists and cartoonists—from Kabul to Algiers, and also in Chautauqua, Éragny-sur-Oise, and Paris.
The Bergeaud-Blackler case is not an exception. Repeated lawsuits, aggressive interruptions during classes, insults… In France and abroad, other experts on Islamism or the Muslim Brotherhood in particular face the same mix of defamation and threats. A recurring dual accusation is made: their work is of poor quality, and their theories are conspiratorial, racist, and Islamophobic. This method has long been used by totalitarian regimes that claim to hold a sacred truth. A critic of the Chinese Communist Party is now inevitably sinophobic, just as yesterday’s opponents of the Soviet Communist Party were accused of hating the Soviet people.
Hybrid harassment
This hybrid harassment thus has nothing to do with academic debate on substance—debate which, like in all disciplines, is necessarily fierce, driven by clashes of ego, personality, scientific evaluation, and interests. It is a demolition operation, all the more vital for its perpetrators as the analysis of the Muslim Brotherhood is now well-established in France and around the world.
Let us begin with France and the Muslim Brotherhood report, whose authors remained discreet to avoid harassment. The document states that there is indeed a “Brotherhoodist risk,” warning of “the danger of municipal Islamism” (page 6), that “the development of Islamist ecosystems on national territory and the growing influence of ‘2.0 preachers’ constitute a threat to national cohesion” (page 7), and that “the Muslim Brotherhood project revolves around the creation of an Islamic state and the subsequent application of sharia”.
This Brotherhoodist current has been under surveillance for a long time. In 2003, Le Figaro revealed an investigation into ties between Hamas and the Comité de Bienfaisance et de Secours aux Palestiniens (CBSP), close to the Union of Islamic Organisations in France (UOIF), “identified as the national branch of the Muslim Brotherhood”, according to the recent report.
Also in 2003, the Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF—“in some respects, the heir to a militant and activist strand of the UOIF”) was multiplying lawsuits against alleged “Islamophobes” with little public notice. That same year, the UOIF joined the French Council of the Muslim Faith (CFCM), gaining visibility and respectability with the tacit approval of authorities and then-Interior Minister Nicolas Sarkozy. Twenty-one years later, the CCIF has been dissolved (in 2020, before re-emerging in Brussels), and Humani’Terre, the CBSP’s successor, is under investigation for its links to Hamas.
Brotherhoodism: a widely shared diagnosis
Are the experts consulted by the Interior Ministry (a prefect and a diplomat) or the judiciary Islamophobic—a concept, moreover, coined by the Brotherhoodist movement? French intelligence, ever vigilant regarding other extremists (far-right, far-left…), shares their view. In 2019, the then-head of territorial intelligence said that “the goal [of the Muslim Brotherhood] is to infiltrate society and eventually ensure the country they are in is governed by God’s law”. In 2024, in Le Figaro, the current RT head, Bertrand Chamoulaud, specified: “While crying Islamophobia to play the victim, [Brotherhoodists] have an insidious strategy to take control of society.” He estimates there are “about 100,000” sympathisers “compared to 55,000 recorded in December 2019”. In 2004, intelligence spoke of 5,000 Islamists, mostly Salafist-leaning.
The Brotherhoodist risk is also recognised by other European services. In Belgium, their goal is “entryism”, the “gradual Islamisation of European society”, and they “try to present themselves as the voice of Muslims and their representatives to the authorities”. In Austria, they represent a “totalitarian system”. In Germany, they aim for long-term change “by introducing sharia via societal penetration”. In the Netherlands, they “try to re-Islamise society”. In the United Kingdom, a 2015 report noted risks to “national security and interests”.
In other countries, activists reveal themselves. In Sweden, one declared: “We don’t want to draw attention to the fact that we are Islamising the West.” In Switzerland, Hani Ramadan wrote in Le Monde in 2002 that sharia is “misunderstood”, stoning “a form of purification”, and spoke of “the sensitivity of die-hard supporters of the Enlightenment”. In 2011, he said: “Freedom is on the side of the Muslim Brotherhood.”
Organised campaign for the headscarf in schools
Could Hani Ramadan be “misunderstood” and European intelligence conspiracist? In January 2025, historian Patrick Weil, critical of Bruno Retailleau and the government, recalled his involvement in the commission that led to the 2004 law banning headscarves in schools, a Brotherhoodist target. “There was,” he said, “an organised campaign of pressure, school by school.” A defector admitted “that the [Brotherhood] organised a campaign to pressure girls [who were not veiled]”.
Weil also remembered attending a 2004 meeting in Brussels on the Middle East, where nearly all foreign participants condemned the French law as an attack on religious freedom. “Only one—the PLO representative—said: ‘The French are right.’” He added: “We were duped by Hamas, who, funded by I don’t know who, paid scholarships to girls at universities so they would wear the veil…”
Given this consensus, it is no surprise that the Muslim Brotherhood’s strategies are scrutinised. But woe to the academics who do so. Previously a discreet researcher specialising in Islamic normativities in secular contexts and the halal market, anthropologist Bergeaud-Blackler laid out the Brotherhoodist system in her 2023 book, published by a prestigious house.
A few weeks later, she was placed under police protection after receiving death threats from dangerous individuals, including Islamists. One was sentenced to fifteen months in prison. He already had seven convictions, including for aggravated assault and death threats, and mentioned owning firearms. The court stressed that the researcher worked “on sensitive subjects”…
Comparison with Édouard Drumont…
Also in 2023, a well-known lawyer, Rafik Chekatt, founder of Agir contre l’islamophobie and the online platform Islamophobia, compared the academic and her book to… the antisemite Édouard Drumont and his inflammatory La France juive. Represented by Thibault de Montbrial and Lara Fatimi, Florence Bergeaud-Blackler filed a defamation complaint.
At the same time, François Burgat, a prominent opponent of “Islamophobia” and former CNRS research director, launched repeated aggressive attacks against her.
In January 2025, the CFCM published a press release titled: “Rigorous researcher or conspiracist social media activist?” Perhaps chastened by lawsuits against Charlie Hebdo, the Council noted that it “respects the researcher’s freedom of expression and firmly condemns any threats or intimidation she has faced or may face”.
Identity polarisation
A month later, at the University of Lille, a far-left student union obtained the cancellation of a talk by the researcher on “Brotherhoodism and its networks”. The union denounced a “return of the brown plague” and accused the organising group of far-right ties, but above all decried “racist conferences at the university”. In 2025 France, discussing “Brotherhoodism and its networks” is thus deemed racist…
According to one expert, “Florence Bergeaud-Blackler stepped into the minefield and took all the bullets”. Yet she is far from alone. The same methods, to varying degrees, target other researchers in France and abroad.
The most emblematic case is that of Gilles Kepel. Not only is the author of The Upheaval of the World: After 7 October (Plon, 2024)—which speaks of an “unprecedented identity polarisation” between far-left wokism and far-right populism—the best-known French Arabist internationally, but as early as the 1980s, when the issue was ignored or denied, he documented the rise of Islamism and the Muslim Brotherhood’s role in the Arab world and Europe. For this, he received the usual “treatment”, being labelled a “controversial researcher”.
And more: from 2016 to 2018, he was placed under police protection after being sentenced to death by jihadist Rachid Kassim, who had never read a line of his work but acted on general Islamist hostility to scholars. The episode shows how the spectre of physical violence is ever-present in this field. It also isolates researchers. In 2022, Gilles Kepel remarked: “I did not hear the screams of pain from my colleagues, nor their cries of protest!”
“To obstruct the researcher”
Another target: university professor Bernard Rougier, who faced no trouble when researching jihadism in Egypt, Lebanon, or Syria. In 2020, he edited Territories Conquered by Islamism (PUF), about the local roots of Islamist networks in France. He was immediately branded an “identitarian” by some peers and faced five defamation suits. Plaintiffs included a mosque, a “decolonial” activist, a local official, and a man listed as a security threat for Islamist radicalism.
One plaintiff tried to uncover the identity of the anonymous student who investigated him… Rougier was not convicted, and in one acquittal ruling, the court noted that the large damages demanded were “intended, through the fear they are meant to inspire, to obstruct the researcher, a recognised academic, in his research and freedom of expression”. The manipulation is obvious: fuelled by academic attacks, lawsuits expose and weaken their targets, seeking to intimidate and halt their work.
Intimidation can also be physical. The latest example: an incursion during a lecture by geographer Fabrice Balanche, a Syria expert and author of Lessons from the Syrian Crisis (Odile Jacob, 2024). On 12 March 2025, after publicly discussing Islamism and Brotherhoodist activity, students reported him for “Islamophobia” to Lyon 2 University.
Days later, he denounced an “Islamist blockade” after students were prevented from holding an iftar in a university room. On 1 April, his lecture on EU neighbourhood policy was disrupted by students calling him a “racist, Zionist, terrorist, and genocidaire”… An unprecedented attack, to which the university president responded by criticising the professor. Balanche observed: “We can no longer work on these issues except at personal risk.”
Before ending this far from exhaustive list, we must also recall the case of not a researcher, but a writer: Boualem Sansal, who also took risks by writing about Islamism and its dangers. He received numerous threats in France and has been imprisoned in Algeria since 16 November 2024.
A file of ‘Islamophobes’
Are these French specialists blinded by “postcolonial Islamophobia”? The same tactics are applied to European and American academics. Such is the case of Thomas Hoffmann, preface author of the Danish translation of Bergeaud-Blackler’s book, and professor of Islamic theology in Copenhagen, who was targeted by articles on a site close to an Islamic association. He was called “ignorant”, accused of “manipulating readers”, and of “frequent factual errors on Islam”… The Dansk Magisterforening noted that many researchers had raised such harassment for “Islamophobia” over the past decade, and that the problem was not limited to Denmark.
The Islamic website attacking Hoffmann published his “Islamophobe profile” from Georgetown University, which has received Gulf funding (Saudi Arabia, Qatar…). Georgetown runs three “Islamophobia projects”. On its site, the Muslim Brotherhood is defined as “an organisation founded in Egypt in 1928 by Hassan al-Banna to revitalise Islamic life and challenge European hegemony”. One project lists profiles of individuals and organisations, with photos and bios—grouping neo-Nazis, Donald Trump, Emmanuel Macron, Marlène Schiappa, Jordan Bardella… and numerous academics working on Islamism.
Hoffmann is listed in this digital pillory. He is not alone. Swedish-Egyptian academic Sameh Egyptson is accused of “spreading conspiracy theories about an alleged Islamisation of Sweden by the Muslim Brotherhood”. German anthropologist Susanne Schröter, from Goethe University, is also profiled, accused of working with “anti-Muslim organisations”.
“It’s their method”
Another target is Italian-American Lorenzo Vidino, director of the Programme on Extremism at George Washington University. Predictably, his work is accused of “promoting conspiracy theories about the Muslim Brotherhood in Europe and the US” and of being “linked” to anti-Muslim media. He notes: “Few experts work on the Brotherhood in the West. People will research jihadism, but they fear doing the same with the Brotherhood—for fear of being smeared, sued, etc.” He adds: “Working on this is exposing yourself. It’s their method. If you study the Hells Angels, you might get beaten up…”
His American view is revealing: the Brotherhood is now better organised, backed by law firms and media, and has infiltrated academia. Attacked for academic ties to a UAE institution hostile to the Brotherhood, he notes it is linked to the Global Counterterrorism Forum, created by the EU and 29 countries, including France, the US, Turkey, and Qatar. He believes Georgetown’s attacks aim to intimidate and provoke self-censorship, especially among young scholars.
British diplomat John Jenkins, author of the 2015 report on the Brotherhood, is also regularly accused of “Islamophobia” by Brotherhoodists—“the usual suspects”, as he says. While fearing it may be too late, he hopes parties and governments “understand the true nature of Islamism and the Islamists”, and stresses the urgency of refusing to give “legal or quasi-legal force to the fallacious concept of ‘Islamophobia’”.
These concerns are echoed by others. Swedish researcher Magnus Norell, author of Return of the Caliphate (2018), says it is becoming “increasingly difficult to monitor and research these issues” due to “pressure, threats, and reluctance from authorities and media”.
Spanish researcher Sergio Altuna, at George Washington University, has faced “uncomfortable situations” (defamation and online threats) and speaks of constantly assessing “how a topic might harm the author”… British consultant Damon Lee Perry notes “an internationalisation of the debate by Islamists to control the narrative—and thus thought—on Islam and Islamism in the public sphere”. Like Jenkins, he warns that a legal definition of Islamophobia in the UK “would effectively paralyse our ability to be critical of Islam and Islamism”.
The solution to this harassment of so many academics? For German scholar Andreas Jacobs, of the Konrad Adenauer Foundation, it lies in “more publicity, awareness, and independent academic research on Islamist actors and networks”, “more funding for this area”, and “the creation of academic chairs in Islamist studies”. Provided that all researchers are free to work without obstruction.